Ce genre de désinformation a déjà évoqué des cas de coronavirus et des décès en Hongrie alors qu’il n’y avait aucun cas officiellement recensé.

Le dernier et plus petit groupe est constitué d’articles sur les “remèdes”. Ces articles d’infox fantaisistes affirment qu’un antidote au virus a été trouvé, que la médecine traditionnelle chinoise “bloque” le virus, qu’il est possible de guérir avec de la vitamine C, etc.

La plupart de ces récits de désinformation ont également été reconnus par les autorités hongroises, qui ont lancé une enquête sur les éditeurs de plus d’une douzaine de portails diffusant de fausses informations sur le coronavirus. Ces portails ont été fermés et leurs éditeurs sont poursuivis en justice par les autorités. La police a également arrêté un vlogger, qui a diffusé l’infox selon laquelle Budapest serait placée sous confinement total.

La vigilance des autorités à l’égard de ces sites est encourageante, et certaines mesures restrictives à l’encontre de ces sites semblent également justifiées, car la panique dans de telles circonstances peut coûter des vies. De nombreux portails de désinformation diffusent des fausses nouvelles inquiétantes sur le coronavirus, qui touchent des centaines de milliers de personnes. Les articles manipulateurs sur le COVID-19 ne font qu’augmenter le trafic vers ces sites, contribuant à la diffusion d’un nombre encore plus important d’infox sur les soins de santé et des “remèdes” inefficaces. Ces sites diffusent également des informations erronées sur les “médecines douces” censées guérissent toute sorte de maladie, de l’hypertension au cancer ; ils peuvent promouvoir les anti-vaccin et faire du tort bien au-delà de la désinformation.

Dans le même temps, malheureusement, certaines hautes autorités hongroises ne luttent pas contre la désinformation, mais contribuent à sa production et à sa diffusion. Comme dans le cas de l’Iran, l’objectif principal est de trouver des boucs émissaires et de masquer le manque de préparation des autorités.

Désinformation parrainée par l’Etat

La Hongrie n’est pas le seul pays à avoir rencontré le coronavirus sans aucune préparation, même parmi les pays développés. Le 28 février, alors qu’aucun cas n’avait encore été confirmé en Hongrie, le Premier ministre Viktor Orbán a affirmé avec assurance que le véritable problème et le défi pour la Hongrie était non pas le coronavirus mais l’immigration illégale. Le dénigrement de l’importance du virus a ensuite fait place à la propagande qui relie le sujet favori du gouvernement hongrois – l’immigration illégale – au virus.

Le récit sur le lien entre le coronavirus et l’immigration illégale a d’abord été promu par le conseiller en chef pour la sécurité intérieure auprès du Premier ministre, György Bakondi. Début mars, il a déclaré qu’il existe “un lien certain entre le coronavirus et l’immigration illégale“. Il a ajouté que la plupart des migrants clandestins viennent d’Afghanistan, du Pakistan ou d’Iran, et que la plupart d’entre eux sont donc originaires d’un des principaux centres de l’épidémie ou sont passés par là. Par conséquent tous les migrants de la frontière sud ont été rejetés depuis les tristement célèbres “zones de transit”. Ce fut le premier signe important que l’administration centrale elle-même a commencé à exploiter l’épidémie pour son propre profit politique.

Plus tard, Orbán est également tombé amoureux de ce complot, en le promouvant au niveau national et international. En accord avec ces arguments, les fonctionnaires hongrois se sont affairés à pointer du doigt les patients atteints de coronavirus dans les camps de transit. De plus, les premiers cas de coronavirus annoncés publiquement étaient ceux d’étudiants iraniens, et le gouvernement hongrois, les autorités responsables de surveiller l’épidémie et la Fidesz, le parti d’Orbán, ont lourdement insisté sur leur manque de coopération pendant la quarantaine – un message visant délibérément à renforcer le lien entre le coronavirus et l’immigration musulmane.

Ces messages étaient absurdes. Les Iraniens qui ont été testés positifs en Hongrie n’étaient pas des immigrés clandestins, mais des universitaires qui étudient en Hongrie dans le cadre d’un programme de bourses de l’Etat hongrois. Mais au-delà de cela, comment une épidémie se répandant dans les élites du monde entier en suivant les itinéraires de vol, infectant des fonctionnaires tels que le maire de Miami, l’épouse du Premier ministre canadien, le porte-parole du président brésilien et l’acteur Tom Hanks, pourrait-elle être attribuée à des migrants illégaux ?

Des experts pro-gouvernementaux ont fait passer le message selon lequel “les pays des migrants sont les premiers touchés par la crise” – quelle que soit l’expression “pays des migrants” – et ont rejeté la responsabilité du virus sur l’Europe occidentale. Et, bien sûr, sur George Soros et sa théorie de la société ouverte. Dans le même temps, personne du côté gouvernemental n’a rejeté la faute sur la Chine, source du virus – probablement pour défendre ses liens politiques et économiques avec ce pays.

Le porte-parole du gouvernement hongrois accuse la presse de ne pas vérifier les faits, et menace subtilement les journalistes, en affirmant que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour arrêter le flot de fausses nouvelles et de rumeurs.

Après une période de déni et de lenteur des réactions, le gouvernement hongrois a finalement pris récemment plusieurs mesures restrictives importantes pour ralentir la propagation du virus, ce qui va dans le bon sens. Néanmoins, cette crise est le plus grand défi que M. Orbán ait connu au cours de ses 14 années de gouvernement jusqu’à présent. Non seulement en raison du ralentissement économique et des pertes humaines auxquelles chaque pays européen est confronté. Mais aussi parce que la crise frappe le plus durement les secteurs, comme la santé et l’éducation, qui ont été durement touchés par les politiques d’austérité du gouvernement hongrois, au cours d’une période de forte croissance par ailleurs.

Le régime Orbán est terrifié par les conséquences politiques de la crise, et sa campagne d’infox vise à pointer du doigt des responsables et à canaliser ailleurs le mécontentement. Il s’est habitué à une façon de gouverner selon laquelle, tout en s’appuyant sur des fondamentaux économiques solides, il pouvait s’en tirer à bon compte à coups de communication politique et d’actions symbolique, en comptant sur un empire médiatique immense et extrêmement centralisé. Les premières semaines de lutte contre la pandémie montrent que cette tactique sera extrêmement difficile à employer cette fois-ci.

L’étude originale sur les médias sociaux en hongrois peut être consultée ici.